Ce matin, j’ai pris le bus de Kampot à Phnom Penh avec Giant Ibis, la meilleure compagnie du Cambodge. Ce qui est bien ici avec les bus, c’est qu’ils viennent souvent vous chercher directement à l’hôtel avec le bus ou en fourgonnette pour vous amener à la gare. Une petite touche qui fait plaisir, comme ça, pas besoin de trimballer le sac à dos rendu trop lourd par les souvenirs qui s’y accumulent.
Dans le bus, rien à signaler, mais à mon arrivée en ville, le bus s’est arrêté devant les bureaux de Giant Ibis et là, vague de tuk-tuk, ces chauffeurs meilleurs hommes d’affaires que conducteurs. Pas moyen de sortir du bus, de mettre pied à terre ou encore moins de prendre son sac pour s’enfuir tellement la foule de pilotes est dense.
C’est dans ces moments où ça aide d’être costaude, car j’ai pu jouer du coude à ma guise, sans trop de violence, bien sûr, et j’ai réussi à les semer pour me rendre dans la boutique réserver mon prochain trajet de bus. Semer? Je devais rêver, ce n’est jamais vraiment possible, en fait. Il y en a un petit futé qui m’a suivi à l’intérieur :
– « You tuk-tuk?
– No, no tuk-tuk, thank you. Bus tickets (dans mon anglais adapté pour mieux me faire comprendre)
– Oh, tuk-tuk after? (pas fou, le mec!)
– Maybe. »
Il me laisse tranquille, je pose les questions que je dois poser, mais comme le trajet vers Battambang ne se fait pas avec Giant Ibis, on me conseille d’aller au coin de la rue voir les horaires de l’autre compagnie. Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhh, je dois repasser dans le nuage de chauffeurs…
Je me lance, un sourire aux lèvres, sans m’arrêter et je fonce vers ma destination. Quand je m’arrête à l’autre boutique, mon ami chauffeur est encore là, derrière moi. Impatientée, je lui dis « NO TUK-TUK! » un peu trop fort, après coup. Après quelques mois en Asie, on finit par oublier que ce sont des humains qui ne cherchent qu’à nourrir leurs familles. Ils sont toujours là, à chaque coin de rue, à chaque seconde, à nous demander où on va, d’où on vient, à tenter une fausse conversation histoire de s’assurer notre business. Mais le problème, c’est qu’on a beau venir de débarquer d’un tuk-tuk, il y en a un autre deux mètres plus loin pour nous en offrir un… Messieurs, puis-je simplement marcher tranquille?
Bon, je me suis perdue un peu dans le fil, pardon. En gros, après plusieurs mois en Asie, on finit par devenir un peu impolie, le sourire qui suit le « No, thank you » se dissipe et finit par disparaître, le « Thank you » aussi… Ça devient lassant à la fin.
Donc, je lui ai répondu beaucoup trop brutalement à ce pauvre chauffeur joufflu. Il a compris le message et a battu en retraite. Deux minutes plus tard, lorsque j’avais réglé mes trucs d’autobus, je me suis retournée et dans la foule d’hommes qui attendaient que je me décide, je suis allée directement vers lui et j’ai dit « Now, ok, tuk-tuk please ». Il s’est fendu d’un sourire incroyable, je pense qu’il ne s’attendait pas à ce que je le prenne vu que je venais de lui dire non très fort. Le pauvre…
Mais ce n’est pas fini, l’histoire des tuk-tuk. Il faut négocier après, ce qui n’est pas toujours drôle. Personnellement, j’adore négocier (pas pour 10 cents comme certains touristes!), mais ce n’est pas donné à tout le monde et ça parait, car les tuk-tuk savent repérer les bonnes aubaines!
Monsieur veut m’y emmener, mais pour cinq dollars. Je ne suis pas née d’hier et je sais très bien que c’est trop cher pour ce que j’obtiens (selon le marché cambodgien, bien sûr!), mais tout est toujours trop cher ici quand on a la tête d’un voyageur et qu’on ne négocie pas serré. Je m’arme de mon sourire et j’éclate de rire.
– « Oh, no, too much, tourist price.
– No, very far, very far madam.
– No, not far. 2 $.
– Oh no, please madam, very far.
– Ok, I’ll give you 3 $ and a smile.
– Oh, madam funny, but 4 $.
– No, 3 $. »
Il me dit qu’il m’y emmènera pour 2 $ si je lui donne un boulot. Je fais mine de ne pas comprendre et je lui dis que je n’ai pas de compagnie. Il pouffe de rire et m’explique qu’il me fera ce prix si je l’embauche pour la visite des Killing Fields. Comme je l’ai déjà fait la semaine dernière, je lui dis que si ce n’est pas OK à 3 $, je vais marcher un peu et trouver quelqu’un qui m’y emmènera pour ce prix. Il me dit « you funny. 3,50 $? ». Je ne peux pas résister, il est trop rigolo et je le sens bien, alors j’accepte.
On passe tout le trajet à rigoler, il est vraiment sympathique et son anglais est très bon, ce qui est chose rare chez les chauffeurs de tuk-tuk. Je ne peux pas résister lorsqu’il m’offre de me faire visiter la ville demain. On négocie serré en rigolant, il me trouve un peu trop grande gueule pour une touriste, je crois, mais il aime ça, car il continue à essayer de me convaincre. Je craque et on se donne rendez-vous à 9 heures.
Comme quoi, parfois, il faut apprendre à rigoler un peu et faire confiance aux rencontres. Il faut surtout s’écouter, suivre à son instinct. Je suis sortie du bus avec une sensation d’agression et j’ai fini par faire une rencontre intéressante au point de vous la raconter!
Avez-vous déjà fait de pareilles rencontres?
11 commentaires
Laurent
5 janvier 2014 à 05 h 20Un billet qui fait plaisir à lire. Je suis bien d’accord que ça peut être ressenti comme une nuisance toutes ces sollicitations en permanence, mais à quelques exceptions, ces chauffeurs de tuk-tuk et autre ne font que jouer de ruses et d’astuces pour … nourrir leur famille. Et 9 fois sur 10, quand on engage la conversation, ils sont adorables. Évidemment, comme partout, il y a aussi des cons. Il m’est arrivé, comme tout le monde, d’en envoyer balader un trop brutalement. Juste que des fois, t’es fatigué … etc.
Et revenir du Cambodge avec un permis de tuk-tuk, c’est tout de même la grande classe 🙂
Jennifer Doré Dallas
5 janvier 2014 à 05 h 38AH ben ça fait plaisir à lire ça aussi! C’est bien vrai ce que tu dis, c’est dommage pour ceux avec qui on est brusque alors que dans le fond, ils n’ont que reçu la frustration qu’on éprouve envers les autres.
La vraie classe 🙂
Alex
5 janvier 2014 à 05 h 51Beau récit sur les transports . Il en effet l’air très sympa, je n’aurais pas plus résisté!
Combien la course de Tuk-Tuk par km? Un dollar je crois?
Jennifer Doré Dallas
5 janvier 2014 à 06 h 17Honnêtement, ça varie tellement, c’est dur à dire. En moyenne, 2 $ pour à peu près toutes les courses, à moins d’aller vraiment loin. Le truc, c’est vraiment de demander ici et là aux autres voyageurs pour la même course, ou même de demander à 2-3 tut tuks combien ça coûte. Après, réduis un peu pour avoir de la marge de négo vers le haut. Vaut mieux aller plus bas un peu, rigoler avec lui en négociant faussement et repartir avec un sourire pour un prix qui convient aux deux! 😉
Tu prendras vite tes repères! On se fait avoir une fois ou deux, ça fait partie de la game! 😉
Blog voyage Découverte monde
5 janvier 2014 à 08 h 03Le problème c’est que la compétition est si féroce qu’ils n’ont pas le choix d’harceler pour se faire remarquer du lot. Malheureusement c’est vrai que pour nous ca peut parfois être harcelant. Surtout quand on sors d’un bus de nuit longue distance, qu’on a mal dormi, qu’on feel tout croche et qu’on arrive dans une ville où on est un peu perdu. On voudrait juste prendre quelques minutes pour regarder et retracer où on est et eux se jettent sur nous comme des requins. Mais d’un autre côté, s’il n’y en avait pas, on chialerait de devoir courir après quand on en a besoin hehe. Mais c’est vrai qu’une fois ce troupeau passé, en individuel ils sont souvent adorables 🙂
Jennifer Doré Dallas
5 janvier 2014 à 09 h 54Ah les bus de nuit 🙂 On aime tous ça, non? 🙂 L’avantage de partir plus longtemps est qu’on peut faire des escales à moins longue distance, voir d’autres petites villages!
L'artisan
6 janvier 2014 à 01 h 59Merci pour ce partage,
Mais c’est dommage que le temps passé en asie t’en fasse prendre l asie. Cela devrais être l’inverse.
Même si cela peut être génant d’entre X fois… Tuk-tuk.. faut pas s’en soucier.
Jennifer Doré Dallas
6 janvier 2014 à 09 h 08Que veux-tu dire?
L'artisan
7 janvier 2014 à 08 h 30Mais ca veux rien dire ma phrase????
Tu as bien fait de me reprendre je devais être fatigué.
Je voulais dire:
Mais c’est dommage que le temps passé en asie t’en fasse perdre le sourire.
“le sourire qui suit […] finit par disparaître”
Ce devrait être l’inverse.
Jennifer Doré Dallas
9 janvier 2014 à 10 h 29Ce n’est pas parce que l’on se lasse des incessantes demandes (certains diraient attaques non violentes) des vendeurs, chauffeurs, etc. que l’Asie m’a fait perdre mon sourire pour autant. J’ai adoré ce que j’ai vu de ce continent et je compte y retourner dès que possible!
alex
7 janvier 2014 à 12 h 562$ par course c’est déjà une bonne base. Au Laos c’était 10 000 kips;)