Article publié le 5 novembre 2011 et mis à jour le 18 avril 2024.

Porto le matin, une visite guidée inopinée

En sortant du camion, je suis à peine éveillée et j’ai vraiment besoin d’uriner. Ce n’est pas toujours simple de se soulager quand on est une femme, n’est-ce pas? Je suis dans un secteur industriel et je m’accommode du peu de confort qui m’est offert. Je hâte le pas hors de la zone, à l’ombre de la raffinerie Petrogal. Au bout de la rue, j’arrive à un boulevard où se trouvent des habitations.

Je repère rapidement le seul commerce du coin, un poste d’essence. Pour moi, les stations-service sont des endroits précieux, des sources d’information. On y trouve des cartes, des atlas et en général les gens sont prêts à nous aider, reconnaissant notre gueule de routards. Aussitôt entrée, je m’adresse au commis en lui signifiant que je ne parle pas portugais. « Eu no falo Portuges », croyant m’attirer sa sympathie. Puis, en espagnol , je lui demande la direction de Porto. Il s’approche de moi et me pointe le chemin directement sur son avant-bras. En portugais, il m’explique la route : continuer tout droit puis prendre à gauche au rond-point, tout en bas de la côte. Obrigada, lui dis-je en partant! Je vous suis obligée.

Je reprends donc ma route. La mer s’étend à mes pieds et je songe qu’il y a déjà un moment que je ne me suis pas rafraîchie. J’éprouve le besoin de me laver un peu, même dans une eau salée. Je me sens pleine de sueur…

Nous sommes un lundi, mais très peu de voitures circulent sur le boulevard. Le rond-point au loin semble désert, seules quelques voitures y passent pendant mon petit quart d’heure de marche. Je n’ai pas idée de la distance qu’il me reste à marcher pour rejoindre le centre-ville, où j’ai rendez-vous en début d’après-midi. Ma seule préoccupation, c’est de me rendre à la mer. C’est la première étape de ma journée.

Douro

Lorsque j’atteins le rond-point, une voiture klaxonne. Je fais mine de l’ignorer, car c’est une règle de sécurité de la femme qui voyage seule : l’aide que l’on accepte doit être celle que l’on sollicite, une aide proposée est plus souvent mal intentionnée. Je prends un petit chemin allant vers la mer, m’éloignant ainsi de la route. Mais la voiture passe le rond-point, prend cette route et vient me voir, avançant lentement. Je suis un peu nerveuse. L’homme baisse la vitre de sa voiture côté passager et me demande où je vais.

« Je ne parle pas portugais.

– (en portugais) Quelle langue tu parles? … You speak English?

– Yes, I speak English.

– Where do you go?

– (en anglais) Eh bien, je vais à Porto, je visite, mais je souhaite marcher…

– Marcher!!! Mais vous êtes à quinze kilomètres du centre-ville, vous n’allez pas marcher, pas avec votre sac à dos!

– Et vous, que faites-vous ici?

– Aujourd’hui c’est un jour férié et je prends le temps de me balader. Tous les dimanches, normalement, je me balade seul, de 6 h le matin jusqu’à 11 h, je prends ce temps-là pour moi, je fais ma balade dominicale. »

Je ne sais pas quoi lui répondre maintenant qu’il sait où je vais vraiment. Il m’invite à monter avec lui pour qu’il me fasse visiter un peu Porto. « Un café, vous buvez du café? Je vous montre la côte et je vous offre un café, puis je vous amène au centre-ville. »

siza vieira - boa nova tea house-1

La logique même me disait de refuser. « D’accord », dis-je en montant dans la voiture. Je demeure sur mes gardes, alerte, prête à tout, mais je suis fatiguée de ma courte nuit en camion et de mes 20 heures d’auto-stop des derniers jours.

Mais voilà, je vous raconte cette rencontre car elle n’est pas banale : c’est la rencontre spontanée avec un homme qui m’amena manger un beigne et boire deux cafés, puis qui me fit faire pas moins de vingt arrêts à divers endroits de la côte, de la chapelle de Leça de Palmeira au pont-levis de Leixões. Il me fit visiter la riche avenue Boavista et le superbe Parque da cidade. Il m’amena au coeur de Porto et me fit traverser vers Vila Nova de Gaia, me racontant l’histoire de chaque bar à Porto et m’indiquant si l’on devait y boire un verre ou non, si seulement je buvais de l’alcool. Il a passé en tout quatre heures avec moi, me servant de guide et conversant avec moi dans un mélange d’anglais et d’espagnol. Au moment de se quitter il me laissa son numéro de téléphone, « au cas où mes amis ne puissent plus m’héberger ». Oui, je me suis méfiée, et j’ai pris un risque… Mais j’ai vu Porto sous un angle magnifique et je ne regrette rien. C’est donc une rencontre fortuite et absolument heureuse qui clôt cette aventure. J’ai atteint mon but, mais encore et toujours, j’ai prouvé que le trajet importe plus que la destination.

Boa Nova IV

Source des photos : maurizio.mwg hfmsantos Carmen Alonso Suarez (cc)

Anick-Marie B.
http://www.globestoppeuse.com

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